dimanche 1 août 2010

Article paru à LA TRIBUNE

Pratiqué depuis des siècles en Kabylie

L’estivage, un trait de la culture socioéconomique collective locale

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Photo : M. Lyès
La transhumance est une pratique très ancienne dans la région montagneuse de Kabylie. Elle remonte à l’avant colonisations ottomane et française. La plaine ayant toujours été utilisée pour la culture céréalière, maraîchère et fourragère, il ne restait pour l’élevage de bétail que le massif montagneux où les herbes qui y poussent peuvent atteindre jusqu’à un mètre de hauteur. Que ce soit du côté nord ou celui du sud de la montagne, l’estivage dans le Djurdjura a toujours été une activité économique sociale collective, commune à presque toutes les tribus de Kabylie. Le métier de berger, durant la période de la transhumance, était celui des adultes qui ne pouvaient l’exercer sans l’accord des chefs des villages qui se portent garants de la sécurité du bétail. L’estivage débute dès les premiers jours du printemps, mais les bergers demeurent en contrebas de la montagne, en attendant la fonte des neiges sur les sommets. Le départ à la montagne nécessite tout un rituel. Et chaque région de Kabylie a ses propres traditions. A Iboudraren, les habitants ont droit à une petite offrande, «Tharkoucht», à l’occasion du départ des bergers en montagne. Du beurre, du lait, ighi (petit-lait), des figues sèches et des galettes de pain leur sont offerts en guise de «waada» pour avoir la «bénédiction des gardiens de la montagne», selon la croyance locale. A Timeghras, Aït Abdellali, Tiroual et Tigemounine, des villages proches des Ath Boudrar, tout comme Ath Ouabane, Ath Meslayene, Iferhounène et Ath Ziki (des villages situés tous sur le versant nord du Djurdjura), ou bien du côté des Imsdourar, Imechdallen Iwakouren, pour ne citer que ces hameaux-là situés, eux, sur le versant sud du Djurdjura, le départ des bergers vers la montagne débute avec le rassemblement des cheptels sur la place du village. Les propriétaires des bovins et ovins usent de la technique du poinçonnage ou utilisent d’autres procédés comme la peinture pour marquer les bêtes. Des bêtes de sommes sont utilisées pour le transport de la nourriture, des ustensiles de cuisine et de la literie nécessaires pour la période d’estivage. Les villageois accompagnent les bergers avec des chants et des youyous jusqu’à la sortie du hameau.Dans un ouvrage collectif, la Transhumance dans le Djurdjura : un rituel autrefois collectif, coordonné par l’universitaire algérienne Houria Abdennebi–Oularbi, il est dit que «le rituel de transhumance était une manifestation tribale qu’ont planifié les pôles d’autorité que représentaient les zawiyas relayées par les ssuqs (marché traditionnels hebdomadaires). La transhumance concernait une population de bergers qui faisaient de l’estivage un lieu de vie : approvisionnement, cabanes. Cela donnait lieu à des festivités : zerda, des chants : idebbalen, des jeux : tir à la cible». Avec la colonisation française et la fermeture après 1863 des zawiyas et certains ssuqs, comme le souligne cet ouvrage, les solidarités inter-tribales ont été rompues. «Ce qui a eu pour conséquence de dépouiller le rituel de transhumance de sa densité sociale
jusqu’à n’être plus aujourd’hui qu’une banale manifestation économique concernant certaines familles, parfois même certains individus», expliquent les auteurs de l’étude, qui sont confortés par la réalité du terrain aujourd’hui.
L.  M.

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